
Il y a bientôt plus de quatre ans que l’on évoque une future liaison lacustre régulière entre les débarcadères de Bellevue et de Corsier-Port.
C’est la banque privée Lombard & Odier qui va déménager son siège sur son nouveau site de Bellevue qui est à l’origine du projet. La banque a mandaté la CGN pour organiser la traversée.
Cette traversée lacustre fonctionnerait la semaine pour les pendulaires à raison de 20 trajets par jour le matin et le soir pour une phase test de trois ans. Le bateau de la CGN disponible pour cette traversée est construit à partir d’une coque de chalutier; pouvant accueillir 200 passagers, il devra être réaménagé pour 100 personnes avec leurs vélos ou trottinettes. Cet énorme bateau ne peut acoster qu’à Corsier. Il consomme 64’000 litres de diesel par an, rejetant 171 tonnes de CO2, alors que le projet a été initialement présenté avec un bateau à hydrogène. Un non-sens écologique pour un projet qualifié de mobilité douce.
Les incohérences de ce projet nous ont poussé à créer une association « Sauvons la baie de Corsier » pour protéger un lieu unique et authentique, qui abrite un site archéologique lacustre inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO et situé à 35m seulement du débarcadère. Il serait impossible à la CGN de garantir que le site classé ne subisse les atteintes irréversibles d’une liaison à cette fréquence, avec ce type de bateau. Le bateau devra faire une manœuvre de rebroussement pour éviter le site palafittique, créant un conflit dangereux avec les activités nautiques dans la baie.
Parmi les autres incohérences et aberrations de ce projet, la principale est sa non rentabilité. Si l’on en croit une étude récente, le nombre d’usagers pour chaque trajet de la navette est évalué à une moyenne de 12,5 usagers, avec un bateau prévu à l’origine pour 200 passagers. Néanmoins la CGN ne prend aucun risque car ce projet privé est financé par l’argent public. Douze communes de la rive gauche et droite ainsi que L&O ont signé une convention de financement qui assure à la CGN une garantie de déficit de 1’250 mios/an durant les trois années de test. Corsier ne fait pas partie de la convention de financement à ce jour.
Autre gros défaut, l’accessibilité, Corsier est loin du plus grand bassin de population. L’accès au débarcadère est très malaisé avec une seule ligne TPG, une piste cyclable discontinue, un accès au quai par un chemin en pente tout cela, conjugué à l’absence de places de parking achèvera de décourager les usagers potentiels.
Pour augmenter l’attractivité, des navettes de rabattement sont envisagées depuis les communes avoisinantes et la France voisine sur un chemin d’accès au quai où l’on ne peut pas croiser.
Le choix unilatéral de la compagnie CGN plutôt qu’un appel d’offre ouvert apparaît comme une option qui devrait être fatale à cette liaison à Corsier. Pourtant, un tel projet s’il avait été bien étudié et conçu dès le départ avec un bateau plus modeste et écologique, pourrait assurément trouver sa place dans une perspective de mobilité multimodale durable et utile au plus grand nombre.
Comme alternative à ce projet, la commune de Cologny est prête à recevoir cette traversée et a déjà voté un budget pour la rénovation du débarcadère de la Tour Carrée. Cologny présente tous les avantages pour cette traversée car situé à équidistance de la ville et de la campagne, facile d’accès en vélo et en bus, proche d’un plus grand bassin de population, dans une zone protégée de la bise et ne menace pas un site palafittique protégé. Une traversée avec un bateau électro solaire dimensionné, respectueux de l’environnement, est à l’étude et présenterait des avantages majeurs en regard de la solution actuelle.
Il est temps que l’État reprenne ce projet et en fasse une solution logique et efficace avec une liaison d’utilité publique qui soit intégrée à la tarification d’UNIRESO à la place du montage boiteux et irréaliste proposé depuis Corsier.